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"À pattes"

Comme il est bon le temps. Depuis que nous sommes parties il n’a fait que ralentir. La mesure de base est le pas. Ce pas de plus que nous n’aurons plus à faire. Celui qui nous rapproche de notre objectif. Il est invariable mais douloureux. Parfois on se dit que c’est le dernier car la force nous manque. C’est une absurdité, un leurre que notre corps nous transmet. L’esprit n’est pas dupe. Quand ce pas doit se faire, le mental prend le pas sur la raison et de nouveau nous avançons.

Les pas qui s’accumulent, sont les kilomètres. Et quand ils sont assez vient l'heure de la pause ou de la nuit.

À une autre échelle, c’est le soleil qui donne le tempo. La lumière du matin nous réveille en douceur. Puis elle nous appelle en son sein pour que nos corps se réchauffent. Au loin les troupeaux prennent le chemin de la prairie du jour, les gouttes de rosée s’évanouissent et nos esprits s’épanouissent laissant nos derniers rêves s’endormir dans nos têtes. Quand le soir, le soleil vient à partir, il emporte avec lui nos derniers soupçons d’énergie et c’est le silence qui nous berce.

Rien n’est plus reposant que tous ces efforts.

Mais le bon temps, aussi, est de rigueur. Après tout nous sommes en vacances. À Alghero il était nécessaire de prendre un peu de cet autre temps. Plus urbain. Et aussi riche en émotion. Il nous fallait consulter un vétérinaire afin qu’il examine notre nouveau compagnon mais aussi nous éclaire sur les formalités d’adoption si cela pouvait être envisageable. C’est donc avec la boule au ventre que nous sommes rentrées dans son cabinet. Il devait en être ainsi. L’animal était pucé et devait retourner à son propriétaire. Diego, fut il ainsi nommé durant une semaine, rejoignait ses chèvres puisqu'il en était le gardien sûrement très doué. Nous nous sommes alors noyées dans la bière, le vin et les antipasti, reprenant ainsi des forces et acceptant notre peine. Le temps d’une pause balnéaire pour nous remettre d’aplomb et de laisser une chance à ma chambre à air, elle aussi dévastée, nous reprenions la route. Longeant le bord de mer, le paysage nous faisait oublier l’asphalte brulante et nos pas qui reprenaient leur rythme de plus belle.

Une dernière journée le long de la côte se concluait de manière presque miraculeuse. Les pieds dans l’eau, la peau sous un parasol, nos yeux profitaient du coucher de soleil sur la mer. Là, un restaurant sur la plage nous offrait une dernière soirée presque romantique. Nous étions les seules clientes.

Le lendemain nous nous dirigeons dans les terres. Le coeur de la Sardaigne ne se découvre pas. Il se gagne. À la sueur de nos corps nous montons durant 5km afin d’atteindre  le plateau qui se trouve à 600 mètres d’altitude. Ce sont des falaises qu’il nous faut gravir. Mais là encore patience et abnégation font leur oeuvre. Encore quelques kilomètres de divagation et nous découvrons une terre d’accueil. Le paysage est aride, les lacs sont exténués par la saison sèche qui dure trop longtemps mais les Sardes sont de pures humanistes. Nous trouvons le repos quelques jours après dans une pinède près de Romana où un paysan nous fait grâce de quelques mètres carré et d’une bouteille d’eau à notre arrivée. Nous allons récupérer un peu et découvrir beaucoup. À Romana il n’y a pas de monument archéologique ni de site pittoresque mais ses habitants sont le témoin d'une culture riche et bienveillante.

Parler de la marche c’est partager notre quotidien. Il y a aussi les imprévus et l’inconnu qui nous accompagnent chaque jour. Parties à leur recherche, ils sont venus à notre rencontre, parfois avec le sourire et une bouteille d’eau à la main, parfois avec des doutes mais avec la promesse que l’aventure ne fait que continuer.

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